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QU'IL NE FALLAIT PAS DÉSHABILLER LA POÉSIE ! ....

QU'IL NE FALLAIT PAS DÉSHABILLER LA POÉSIE ! ....

 

   Dans "Une Histoire Vivante de la Littérature d'Aujourd'hui" de l’excellent critique Pierre de Boisdeffre, avec la collaboration d’Edouard Manick, on peut lire en guise de conclusion, sous le chapitre "Les Poètes de Langue Française"

   “La poésie est le lieu d'une guerre inexpiable - point d'entente entre tradition et révolution. Pas de compromis possible entre disciples de la règle la mesure et la raison du langage, et les adeptes des injonctions incontrôlables de l'inconscient".

   Il est dit plus loin : n'avons nous fui l'académisme que pour tomber dans l'incohérence ? Bref, une école confuse ne sait plus lire ni écrire. Une vague scolaire inculte nous submerge”

   Puis l'auteur soulève la question : "Faut-il confondre poésie et chanson, comme vient de le faire l'Académie française en 1967 avec son grand prix décerné à Georges Brassens ? ..."

   Et pour finir, on peut lire : "Las d'attendre des poètes qui ne se soucient pas de lui, le public en est réduit à prendre des chansonniers pour des poètes".

   Tout cela peut prendre une certaine valeur intrinsèque si l’on se limite à une péroraison un peu hâtive. L'endroit de ce livre était, bien sûr, réservé aux seuls critères du fruit de l’intellect, sans compte tenu du milieu dans lequel la matière poésie est vouée à prendre racine.

Le vingtième siècle est celui des grands progrès scientifiques et, par voie de conséquence, celui de l'industrialisation. La grande retombée morale de cette rationalisation se retrouve dans le domaine du matérialisme.

   Une société soucieuse de rentabilité matérielle, de recherche d'amélioration du niveau de vie par acquisition de biens matériels et parla réduction de l'effort cérébral, à l'échelle nationale, à partir de l'enseignement jusqu'aux dernières ramifications des entreprises humaines, conduit inévitablement à l'appauvrissement spirituel de l'individu et à sa paresse intellectuelle.

Il faut ajouter à cela que la matière littéraire est soumise aux mêmes rigueurs d'industrialisation et de commercialisation que n'importe quelle autre marchandise ou sous-produit de consommation destiné au grand public.

   On se voit obligé de traiter les affaires littéraires à grand renfort de publicité, en se basant sur les statistiques et les probabilités établies d'après les faiblesses et la vulnérabilité du public d'un public dont la valeur intellectuelle et les goûts sont déjà mis en cause par toute une industrie de magazines et revues sentimentaux, sinon bassement érotiques, dont la teneur est presque réduite à la bande dessinée, au courrier du cœur, horoscopes et textes fantaisistes, articles psycho-mémoriels à fins publicitaires, sans parler du cinéma et de la télévision. Ce public, comment pourrait-il aspirer à la poésie ? ... cette noble notion qu'il perd dès le plus jeune âge, étant inexorablement tributaire d'un milieu oh la bonne culture fait de plus en plus défaut. Il en résulte, pour une grande partie des jeunes, une recherche artistique dans un monde psycho-objectif qui les entoure, l'imagination des experts industriels, leur univers de réclame et publicité audio-visuelle réduite à la vulgarisation générale. Comment s'étonner, dès lors, de voir apparaître “les adeptes des injonctions incontrôlables de l'inconscient et cette vague scolaire inculte" ? .. .

   Quoi de plus normal que la vraie poésie, placée face à de telles conditions d'existence, se trouve finalement engagée dans une guerre inexpiable ? ... La guerre des traditionalistes contre les révolutionnaires.

   "Avons-nous fui l'académisme pour tomber dans l'incohérence ? ... Voilà l'enjeu de cette guerre, dont, fort heureusement, beaucoup de poètes sont conscients.

   Plus le monde avance dans la voie du progrès technique et scientifique, plus le langage devient matérialiste et mémo-symbolique. Il est difficile d'envisager une interprétation poétique d'un monde de formules, de chiffres et de signes conventionnels. Si l'on cherche à établir une poésie ayant pour base ces matières, on risque infailliblement l'interférence du néo-symbolisme, néo-matérialisme et néo-technologiste industriel.

   L'industrialisation de toutes les ressources naturelles et humaines rend un produit de consommation uniforme et limité et, si elle n'exclut pas toute possibilité d'évasion, réfrène au moins la liberté d'action et d'imagination.

   Si le poète ne veut pas être témoin d'une catastrophe spirituelle, s'il ne veut pas courir au suicide moral, il est de son devoir de réagir, de lutter contre toutes les dissensions intellectuelles de notre époque, de dénoncer tous les faux prophètes et disciples du veau d'or.

   Il y a une révolution à entreprendre dans le monde de la poésie qui est trop bafouée et violée par une certaine classe d'intrus verbeux qui, sous couvert de modernisme, d'avant-gardisme et d'innovation, sont en train de contaminer et de miner le patrimoine littéraire et de marcher sur les pieds des vrais poètes, ceux qui n'ont pas l'audace de corrompre ce patrimoine millénaire pour la seule ambition de se voir porté au premier rang d'une quelconque renommée et faire fortune par arrogance.

   Il y a un assainissement à faire dans le milieu de la poésie il faut remettre à l'endroit ces soi-disant poètes de l'actuel il y a l'arrivisme à enrayer, l'hypocrisie doctrinale à abolir, le favoritisme à combattre, l'impartialité des institutions artistiques â rétablir et une vraie académie de la poésie â instaurer dans notre société désorientée.

   S'il y a "une école confuse qui ne sait plus lire ni écrire", il n’existe pas moins bon nombre de disciples de la règle saine, de la mesure absolue et de la raison propre du langage qui dénoncent cette école. Ceux-là se distinguent par une forme de poésie immuable pour toutes les époques.

   Malheureusement, parmi ces poètes sains d'esprit, beaucoup n'ont pas les moyens de s'engager à compte d'auteur ou de se faire aider en rassemblant les cotisations de bienfaiteurs, ni même de collaborer financièrement aux organes littéraires, moyennant quoi ils finiraient bien par passer au niveau efficace.

   "Dans l'attente de poètes qui ne se soucient pas de lui, le public en est réduit â prendre des chansonniers pour des poètes ! "

   Voilà que nous nous retrouvons plongés dans l'industrie du disque ! Dieu sait si bon nombre de chansonniers sont de simples produits de lancement ou des figures entretenues par les maisons d'édition.

   Rendons honneur à l'Académie Française pour avoir choisi au moins l'un des chansonniers qui s'écarte des "yê-yé" et auteurs d'onomatopées, un chansonnier qui s'approche très près des poètes.

   Mais pour nous replacer au plan général du grand public, nous pouvons nous demander par rapport aux émissions consacrées aux chansonniers, combien de minutes réserve-t-on à des programmes de poésie ? ... et, par rapport au rayon de publications scientifiques et livres de science-fiction, quelle est l'importance du rayon de livres de poésie ? ... sur les rayons de revues et magazines, combien y-a-t-il de revues de poésie ?. . .

   N'accusons pas le public de se détourner des poètes ...

   N'accusons pas les poètes de se désintéresser du public ...

   L'histoire vivante de la poésie d'aujourd'hui a des dessous troubles. C'est une grossière erreur de vouloir la déshabiller sil' on n'a pas de linge propre à lui remettre, et c'est un crime de le faire pour violer sa nudité.

   Il y a une multitude de poètes valables, au sens du terme, qui sacrifient une part importante de leur avoir pour faire imprimer, à leur compte, des plaquettes de leur œuvre, dans l'espoir que l'éditeur sache les acheminer vers le, public. Mais les éditeurs complaisants pour ce genre d'opérations n'osent pas étendre leur entreprise au domaine de la publicité, dorénavant indispensable pour atteindre un public qui ne réagit plus que sous ce moyen un moyen dont le prix dépasse naturellement les ressources d'un pauvre poète !

   A quand les institutions culturelles nationales qui comprendront que déshériter trop longtemps le poète le vouera finalement à l'inanition, et que le priver trop longtemps du soutien dont il a besoin pour atteindre ceux qui croient encore en lui finira par le déclasser complètement dans la société actuelle et l'empêchera même de s'épanouir pleinement.

   La poésie occupait naguère un rang primordial et fondamental dans le domaine de la littérature. De nos jours, les poètes font figure de parents pauvres et la plupart d'entre eux restent de misérables inconnus, surtout en France. La radio, la télévision, les revues, les éditions régionales, que leurs réservent-elles, aux poètes, hormis quelques égards sporadiques ?

   Quels sont les revues, magazines ou quotidiens qui acceptent d'insérer un poème par tirage et qui le font à compte d'éditeur ?

   Il est indéniable que la poésie, c'est-à-dire la présence d'un poème dans leur quotidien, hebdomadaire ou mensuel, constituerait, pour un grand nombre de lecteurs, une nourriture spirituelle bénéfique à leur moral du jour. Nombreux seraient ceux par là initiés à la poésie qui en viendraient à élever leurs aspirations et leurs goûts pour cet art et qui achèteraient finalement un peu de cette matière si difficile à vendre de nos jours.

   Et puis, au lieu de crier le scandale, la réprobation, déceptions, craintes, révoltes, haine et crimes, pourquoi ne pas céder un peu la parole à ceux qui veulent élever l'amour, la douceur de vivre, la croyance au bonheur, la reconnaissance du merveilleux et la quiétude indispensable qui nous attend toujours, mais que l'on ne nous laisse pas saisir en tranquillité. Si les journaux réservaient une toute petite place seulement à un poème par tirage, combien de lecteurs ne trouveraient-ils pas là un peu de baume bienfaisant à verser sur la plaie béante et inquiétante de notre condition humaine d'aujourd'hui ?

   La poésie et ses porte-paroles, pourraient constituer un contrepoids salutaire à la dégradation morale et intellectuelle de notre société actuelle.

   Le monde dans lequel nous vivons a faculté de démoraliser l'individu et l'on range les poètes sur la voie de garage, alors que  leur message est de nature à ranimer et à sauvegarder les notions d'humanisme indispensables à l'homme du 21ème siècle, s'il ne veut pas finir en espèce d’individu conditionné et dévoué aux propagateurs de l’uniformisation de tout produit de consommation et de manière à penser.



04/06/2014
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